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Troubles cognitifs : comprendre le deuil blanc et apprendre à y faire face

Crée le : · Mis à jour le : 21/08/2024 16:39:44 · Temps de lecture :
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Vous avez dit deuil blanc ? Ce terme méconnu qualifie pourtant une réalité que vivent de nombreux aidants, une situation paradoxale puisque les proches sont amenés à vivre le deuil d’une personne pourtant toujours en vie. Explications et conseils pour y faire face.

Qu’est-ce que le deuil blanc ?

Développé dans les années 1990 par le psychiatre suisse Italo Simeone, le concept de deuil blanc qualifie « l ’ensemble des pertes que vit un aidant accompagnant une personne qui, petit à petit, perd ses capacités mentales », expliquent les infirmières Evelyne Malaquin-Pavan et Marylène Pierrot dans un article scientifique consacré au sujet.

A la différence d’un deuil « classique », la personne malade est toujours là, bien vivante, souvent physiquement inchangée… mais la personne qu’elle était semble s’éloigner, disparaître peu à peu, au fur et à mesure de la maladie.

Un deuil « pour de faux » ?

« Je pense qu’on est tous comme si… on est un petit peu suspendu. On a toute la tristesse du deuil, sans pouvoir faire complètement le deuil de ma mère », témoigne Bénédicte, 56 ans, dans le cadre de l’étude Accmadial (Garric, Pugniere-Saavedra et Rochaix, 2020) autour de la maladie d’Alzheimer.

Le deuil blanc touche tous les proches de personnes atteintes de maladies neurodégénératives, indique le psychologue Valéry Lechenet.

« L’aidant va devoir faire face aux profondes modifications du lien qu’il entretenait avec la personne malade, supporter la transformation d’un être cher, de sa personnalité, de ses compétences », détaille-t-il.

Judith Mollard-Palacios, psychologue à l’association France Alzheimer, est moins catégorique. Elle rappelle aussi que tous les aidants ne vivent pas la maladie de leur proche de la même manière.

« Peut-être aussi que ce n’est pas tout à fait la même chose quand il s’agit du conjoint que d’un enfant. Un enfant s’est construit sur le modèle de son parent, notamment quand il s’agit du parent du même sexe. Et quand ce parent n’est plus ce qu’il était, cela peut entraîner chez l’enfant un déséquilibre, comme si ses fondations s’ébranlaient », précise-t-elle au micro de Radio Alzheimer.

L’aidant vit donc une forme anticipée du deuil de son proche, plus ou moins éprouvante, répétée à chaque nouvelle manifestation de la maladie, mais aussi de leur relation. Sans oublier la disparition de sa vie d’avant.

Le deuil de son proche… et de sa vie d’avant

« Ça fait trois ans que je fais du théâtre et cette année, je ne peux pas faire du théâtre. Déjà l’année dernière, c’était compliqué et là, cette année, je ne peux plus en faire parce que les répétitions, c’est le soir », témoigne Florence, 61 ans, qui accompagne son mari malade.

Combien d’aidants ont dû, comme elle, renoncer à pratiquer une activité, voir leurs amis, prendre du temps pour eux ? De nouvelles pertes pour les aidants, qui viennent se rajouter à la douleur de voir son proche devenir un autre.

Confronté à toutes ces pertes, l’aidant va traverser les mêmes étapes qu’une personne endeuillée : déni, colère, marchandage, dépression, puis acceptation.

D’autant qu’à la différence d’un « vrai » deuil, l’aidant va pouvoir retrouver son proche, nouer de nouvelles relations avec lui, et reconstruire une vie différente : le deuil blanc ne marque pas une fin.

Il n’en est pas moins difficile à vivre pour autant.

Comment faire face au deuil blanc ?

Comme dans tous les moments difficiles de la vie, mieux vaut ne pas rester seul face à sa douleur.

Si l’aidant se trouve dans une phase de colère, de déception, de ressenti, il est essentiel de s’exprimer auprès de pairs ou d’un professionnel, sous peine de voir la relation se dégrader, au risque de maltraitances.

Des sentiments contradictoires qui peuvent faire honte, et donc être difficiles à formuler. Pourtant, ils restent tout à fait normaux, souligne Judith Mollard-Palacios. Une normalité qu’il convient de rappeler, pour éviter toute culpabilité, quelle que soit la manière dont l’aidant vit la situation.

Se ménager des moments de répit est tout autant indispensable. Diverses possibilités existent : l’intervention d’une aide à domicile pour quelques heures, le baluchonnage pour quelques jours, des journées ou des demi-journées en accueil de jour, des séjours temporaires en établissement… Ces solutions peuvent être financées par l’allocation personnalisée d’autonomie, au moins en partie, au titre du répit de l’aidant.

Des ressources pour aller plus loin

Si le sujet reste assez mal connu, il existe cependant quelques ressources pour celles et ceux qui souhaiteraient creuser cette question du deuil blanc.

Radio Alzheimer, la radio en ligne animée par France Alzheimer, y a par exemple consacré une émission en 2021, à réécouter ici. L’association donne aussi la parole au psychologue Valéry Lechenet dans une interview publiée en 2018.

La radio suisse RTS La Première aborde également le sujet dans l’émission Egosystème en 2014, toujours disponible en ligne.

Des professionnels, des chercheurs s’intéressent aussi au sujet, mais la majorité de leurs articles sont réservés aux abonnés.

Parmi les ressources ouvertes, citons celle de Pauline Rannou, chercheure post doctorale à l’Université Bretagne Sud, paru dans la revue Frontières en 2022. Elle s’intéresse aux pertes, aux deuils progressifs vécus par les aidants de malades d’Alzheimer.


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