4 millions de Français jonglent entre l’aide à un proche et leur carrière. Avec à la clé pas mal de stress, de culpabilité, de fatigue… Pourtant, il est possible de tout concilier sans s’épuiser. Nos conseils pour y parvenir.
Une double vie : c’est ce qu’ont l’impression de vivre les quelques 4 millions de personnes qui doivent cumuler vie familiale, activité professionnelle et soutien à un proche âgé, malade, handicapé ou dépendant. Près de la moitié des 8,3 millions d’aidants sont en effet encore dans la vie active.
Or cette double vie n’a rien d’une sinécure, comme l’a montré une enquête d’OpinionWay pour l’association France Alzheimer et maladies apparentées, avec le soutien de Malakoff-Humanis. Sur les 1500 proches aidants interrogés :
- 8 sur 10 avouent avoir des difficultés à concilier vie d’aidant et vie professionnelle,
- 9 sur 10 souffrent de stress, d’anxiété, de fatigue, voire de troubles physiologiques liés à cette situation,
- plus de 4 sur 10 estiment que leur évolution professionnelle est freinée en raison des contraintes de leurs responsabilités d’aidant,
- à peine 2 sur 100 déclarent être accompagnés par leur entreprise.
Concilier vie active et aide à son proche constitue donc un enjeu majeur pour toutes ces personnes. Comment prendre soin de ses parents, s’épanouir professionnellement, et au-delà trouver le juste équilibre entre aidance, travail et vie de famille ? Éléments de réponse.
Commencer à en parler autour de soi
Le premier souci d’un aidant, c’est l’isolement. La perte d’autonomie, le handicap ou encore la maladie constituent déjà des sujets délicats à aborder avec son entourage (famille, amis…) : c’est bien sûr encore plus difficile dans un contexte professionnel.
D’après l’enquête menée par notre partenaire France Alzheimer, moins d’une personne concernée sur deux (48%) a informé son supérieur hiérarchique de sa situation.
Les conseils de Graziella Cotti, psychologue clinicienne et psychologue du travail : les difficultés des aidants au travail
La conciliation entre vie privée et vie professionnelle est particulièrement perturbée lors d’un parcours d’aidant. Néanmoins, il faut savoir que cette problématique fait partie des facteurs (causes) de risques psychosociaux (RPS) et est donc un sujet au sein de l’entreprise. Aujourd’hui nombreuses sont celles qui mettent en place, sous forme d’accompagnement psychosocial, des dispositifs pour accompagner les collaborateurs dans ces moments de vie difficiles. Mais le plus souvent ces dispositifs ne sont pas connus. Parler simplement de la situation à un manager, à un responsable RH, ou même au médecin du travail est l’étape indispensable pour trouver solutions et accompagnement. De plus, cela évitera les incompréhensions et des quiproquos de toutes natures.
L’entreprise sera appréciée par la considération et la reconnaissance qu’elle manifeste dans cet accompagnement à son potentiel humain et pourra développer la solidarité entre ses collaborateurs.
Aidants au travail : la loi du silence
Pourquoi cette discrétion ? Les raisons sont nombreuses :
- le désir ne pas évoquer leur vie personnelle au travail (34%),
- la peur de retombées négatives pour leur carrière (25%),
- une structure professionnelle qui ne semble pas apte à prendre leur situation en compte (10%).
Ces craintes sont-elles fondées ? C’est possible… Mais garder le silence n’est pas forcément la meilleure option !
Comment évoquer le sujet ?
En parler à ses proches est une première étape : eux auront le recul que vous n’avez peut-être plus dans ce contexte forcément pesant. Et ils pourront être de bon conseil. La deuxième étape ? Avoir par exemple recours à l’une des nombreuses possibilités de soutien psychologique. L’aide d’un professionnel ou tout simplement d’un groupe de parole vous permettra de surmonter vos blocages dans un contexte favorable.
En parallèle, vous pouvez aussi évoquer le sujet avec les collègues avec qui vous entretenez les meilleures relations : ils sauront non seulement vous épauler, défendre votre cause, et vous conseiller sur la bonne manière de passer à l’étape suivante.
Car même si ce n’est pas un moment très agréable, il faudra se résoudre à aborder le sujet avec votre responsable hiérarchique, les ressources humaines… C’est indispensable pour parvenir à exercer votre métier plus sereinement. Et pourquoi pas aménager votre temps ?
BON À SAVOIR : LA LOI EST DE VOTRE CÔTÉ
Les aidants sont encore mal informés sur leurs droits… pourtant ils en ont ! Depuis mars 2016, la Loi d’adaptation de la société au vieillissement (LASV) a instauré un droit au répit pour les aidants familiaux indispensables. Elle peut vous ouvrir notamment des droits à des congés et des aides spécifiques pour faire face à vos contraintes d’aidants.
Mieux gérer son temps
Le temps est bien la deuxième donnée qui pose problème aux aidants en activité professionnelle. Les aidants peuvent consacrer plusieurs heures par jour à l’accompagnement de leurs proches fragilisés. C’est loin d’être négligeable. Et cela vient forcément empiéter sur leur métier.
Organiser un rendez-vous médical, se renseigner sur une aide, effectuer une démarche administrative… ne peut se faire en dehors des heures ouvrables. Donc en plein pendant le temps de travail. Quelles solutions pour tout concilier ?
Échanger avec votre chef ou votre DRH permet donc de “crever l’abcès” et d’être transparent sur vos difficultés d’organisation. Mais aussi de trouver ensemble des solutions pour vous permettre de mener de front vos vies d’aidant et de salarié.
Quelles pistes pouvez vous explorer ?
- disposer de plus de souplesse sur vos absences ponctuelles,
- convertir vos jours de RTT et de congés grâce à un compte épargne-temps,
- aménager vos horaires au quotidien, en vous accordant par exemple une “pause” d’une heure ou deux pour vos démarches,
- envisager une formule de temps partiel,
- en dernier recours, sachez que le congé de proche aidant peut vous permettre dans certaines situations de suspendre un temps votre activité.
Quels arguments faire valoir ?
À une écrasante majorité (96%), les aidants en activité professionnelle souhaitent continuer à exercer leur travail. Pour des raisons financières, bien sûr (87% des réponses), car aider un proche coûte cher… Mais pas seulement : près d’un aidant sur deux constate que son métier l’aide à sortir du quotidien (47%) et est source d’épanouissement (40%). Rappeler votre motivation est donc le premier argument à faire valoir auprès de vos interlocuteurs.
Mais il y en a d’autres : trois aidants actifs sur dix observent, en effet, que leur situation les a conduit à être plus à l’écoute de leurs collègues. Et à se montrer plus efficaces, forcés qu’ils sont à mieux hiérarchiser leurs priorités. Enfin, ceux qui ont déjà la chance d’avoir pu “s’arranger” avec leur employeur mettent en avant une reconnaissance et un attachement plus profond à leur entreprise. Autant d’idées qui peuvent faire mouche auprès de votre employeur.
Prendre soin de soi (et de ses “autres” proches)
Enfin, la troisième grande source de préoccupation des aidants actifs déborde largement du strict cadre professionnel : entre le temps passé à aider un proche, et celui consacré à bien faire son travail… il en reste bien peu pour sa famille et ses amis. Et encore moins pour soi-même. 85% des aidants interrogés par France Alzheimer consacrent en effet moins de temps qu’avant à leur vie sociale et leurs loisirs, 70% aux autres membres de leur famille.
Quelles solutions pour prendre du recul ?
Or bien prendre soin d’un proche, cela commence par être attentif à sa propre santé physique et psychologique. Se ménager des pauses dans sa vie d’aidant n’est pas une “trahison” : c’est une nécessité pour être performant au travail, et disponible dans sa vie d’aidant.
Concrètement, comment faire ? Les solutions sont de trois ordres :
- prendre un congé, avec son proche ou non,
- opter pour une solution d’hébergement temporaire pour reprendre pied,
- se faire accompagner psychologiquement.
Nous avons consacré un article aux diverses possibilités de faire un break pour souffler, n’hésitez pas à le consulter. Et même si aucune de ces solutions ne vous correspond dans l’immédiat, nous vous conseillons vivement de vous réserver, quelques heures par semaine, des créneaux pour votre famille… et pour vous-même.