Culpabilité, soulagement, un peu des deux ? Pas facile de gérer ses sentiments au moment de laisser partir un proche en Ehpad. Ni de savoir quelle place occuper désormais à ses côtés. Rester un aidant en maison de retraite, c’est pourtant possible. Apprenez comment faire pour poursuivre votre mission de soutien et d’accompagnement.
Loin d’être une solution de facilité, l’entrée en maison de retraite s’impose souvent comme une nécessité quand la perte d’autonomie du proche aidé devient trop importante pour permettre un maintien à domicile : c’est une charge que vous, aidants, ne pouvez plus assumer seul et qui met en péril la sécurité de la personne dont vous prenez soin. Dans 8 cas sur 10 (enquête du Credoc pour AG2R La Mondiale), c’est à vous de prendre cette décision. La responsabilité est lourde à porter de même que le sentiment d’abandon et les changements que ce départ occasionne dans votre quotidien. Il existe toutefois des solutions pour mieux vivre ce moment décisif.
Avant l’entrée en EHPAD : les conseils de Graziella Cotti, psychologue clinicienne et psychologue du travail
L’étape du départ en établissement d’un proche aidé est sûrement une des plus difficiles dans un parcours d’aidant.
Elle remet bien souvent en question toutes nos valeurs, notre conception de la vie et des liens familiaux. Elle questionne, par exemple, le pouvoir et les limites de la volonté de l’amour filial.
Pourtant, de même que la mère doit progressivement renoncer à être l’alpha et l’oméga de son enfant, l’aidant doit, à l’aide des professionnels de santé ou d’autres aidants, anticiper l’évolution de la situation afin de trouver les meilleures conditions. Mais souvent, anticiper une telle situation est vécu comme une ‘préméditation’ très culpabilisante, alors que laisser les évènements décider (la chute qui contraint à une prise en charge en urgence par exemple) est une situation qui s’impose à nous, et qui nous protège d’un choix cornélien.
Pourtant, et c’est le paradoxe, s’en remettre aux aléas est un véritable abandon de l’aidé, qui survient le plus souvent dans une période critique et déterminante.
Anticiper ne doit pas se résumer à un arbre décisionnel, mais plutôt à la clarification des options possibles face à des situations potentielles. Il s’agit pour l’aidant de négocier le passage de la culpabilité (soumission aux aléas) à la responsabilité (lucidité et anticipation des besoins de l’aidé, mais aussi respect de ses désirs et de son identité). Enfin, comme dans toute décision complexe, c’est grâce à l’échange qu’une issue acceptable et libératoire sera trouvée.
Les premiers jours : bien négocier l’arrivée en Ehpad
Votre sérénité en tant qu’aidant dépend de celle du proche aidé. Pour l’accompagner dans cette étape délicate, ne faites pas l’économie du dialogue : discutez avec lui de son intégration en établissement d’accueil et préparez-la avec bienveillance.
Choix d’un Ehpad : les bonnes questions à se poser
Construire et préserver un environnement familier
Changer de cadre de vie est très perturbant pour des proches dépendants qui ont besoin d’un cadre familier et rassurant au quotidien. Il peut aussi être douloureux pour un aidant de lui rendre visite dans un cadre froid et étranger. Pour que tout le monde se sente comme à la maison, pensez à aménager son logement / sa chambre :
- Les objets du quotidien tels que les bibelots, tableaux ou livres sont autant de points de repère qui permettront de reconstituer un espace de vie apaisant pour eux comme pour vous.
- Les blocs éphémérides / calendriers aideront votre proche à se repérer dans le temps. Ils vous permettront aussi de noter vos dates de visites et avoir le plaisir de les lui rappeler.
- Les photos, enfin, sont sans aucun doute l’élément le plus tranquillisant : entouré de visages familiers, votre proche se sentira moins seul. Les photos ont aussi l’avantage de stimuler sa mémoire en faisant appel à ses souvenirs.
BON À SAVOIR
Pour ceux qui n’ont pas toujours la possibilité d’être présent au quotidien, il existe une multitude de solutions pour le partage de photos à distance
L’accueil du proche aidant au sein de la maison de retraite
Ce sont sans doute les premiers moments en Ehpad qui sont les plus délicats à gérer pour les nouveaux résidents comme pour leurs aidants. Parmi les plus symboliques d’entre eux figure le moment du repas.
De très nombreuses maisons de retraite laissent aux proches aidants la possibilité d’y participer. Si vous en avez la possibilité, saisissez cette occasion :
- Vous pourrez en premier lieu continuer à partager des moments de convivialité avec vos aînés. En outre, manger en compagnie permet d’avoir plus d’appétit que lorsque l’on mange seul : si c’est bon pour votre proche dépendant, c’est bon pour vous aussi !
- Les repas sont aussi la meilleure occasion d’entretenir des liens sociaux, ils sont donc fondamentaux pour que vos aînés sympathisent avec les autres pensionnaires. Plus votre proche se sentira en bonne compagnie, moins lourde sera votre tâche d’accompagnement.
10 astuces pour faciliter l’entrée en maison de retraite
Par la suite : rester un aidant … mais autrement
Vous avez l’impression d’abandonner votre proche et vous en éprouvez de la culpabilité ? Vous avez du mal à vivre le fait de ne plus tout maîtriser ? Pas facile de passer la main après avoir pris soin d’un proche dépendant pendant de nombreuses années. Pourtant, son intégration en maison de retraite ne met pas un terme à votre mission. Vous devez désormais apprendre à rester un aidant mais … autrement.
S’investir dans la vie en maison de retraite : c’est possible … et tout le monde y gagne
Un Ehpad n’est pas un endroit où vous abandonnez définitivement le proche dont vous vous occupez. Il s’agit, au contraire, d’un lieu d’accueil dont vous pouvez être partie-prenante.
La loi de 2002 sur la rénovation de l’action sociale et médico-sociale confère un cadre légal à votre statut et votre champ d’intervention :
- Chaque maison de retraite est tenue de signer un Contrat de séjour avec les résidents qu’elle accueille et à l’intérieur duquel se trouve un formulaire de désignation de la personne de confiance. En tant qu’interlocuteur privilégié, vous avez toute légitimité à être cette personne de confiance vers laquelle le personnel soignant se tournera en priorité pour toute décision ou demande d’informations.
- Si vous n’êtes plus en première ligne pour les soins, vous demeurez la personne de référence pour délivrer des renseignements sur la vie quotidienne de vos aînés et relayer auprès des professionnels leurs demandes, leurs besoins ou leurs sentiments. Vous maîtrisez mieux que personne sa manière de communiquer, ce qu’il préfère manger, les traitements qu’il accepte ou les activités qui le stimulent. A ce titre, vous êtes la personne la plus appropriée pour construire le Projet de vie Personnalisé en collaboration avec le personnel soignant.
- Enfin, vous êtes habilité à siéger au Conseil de Vie Sociale. Elu pour 3 ans, il est composé, entre autres, des représentants des familles et des professionnels de l’établissement. Il a pour vocation de faire entendre votre voix pour faire des propositions qui amélioreront le quotidien des résidents. Il vous donne donc la possibilité de rester un acteur majeur de la prise en charge de votre proche
Participer aux activités
Vous craignez que l’entrée en maison de retraite n’instaure une distance avec vos proches ? Soyez rassuré : l’éloignement n’est pas une fatalité si vous acceptez de faire un pas de côté et de changer vos habitudes.
Loin d’être des espaces fermés, nombreuses sont les maisons de retraite qui font appel aux familles et aux aidants pour les accompagner et les épauler dans différentes activités. Qu’il s’agisse :
- de sorties en extérieur (visites, promenades)
- d’activités récréatives (jeux de société, lotos)
- d’animations à visée cognitive ou thérapeutique (jeux de mémoire, ateliers de chant, zoothérapie)
... les Ehpad vous donnent la possibilité d’y participer selon vos disponibilités.
En acceptant d’être déchargé de toute l’intendance qui vous incombait, vous pourrez désormais partager du temps de qualité avec vos proches. Réapprenez les gestes simples : vous promener avec eux, participer à leurs activités ou, tout simplement, parler avec eux.
Allégé du poids des soucis et des responsabilités, vous aurez désormais l’esprit libre pour construire une relation faite uniquement d’écoute, d’attention et de plaisir.
Se retrouver soi-même après s’être consacré à l’autre
Que vais-je faire de tout ce temps désormais libre ? De quoi mon quotidien sera-t-il fait ? Laisser partir un proche dépendant, c’est aussi entrer dans une ère où il va vous falloir trouver un nouvel équilibre après des années d’aide à domicile.
S’accorder du temps pour prendre de nouvelles habitudes
Le changement le plus important auquel vous devrez faire face, sera sans doute celui de votre emploi du temps. Ne négligez pas cette période transitoire de désœuvrement qui peut parfois vous déstabiliser dans votre quotidien. Occuper le temps désormais libéré avec des activités de loisir présente de nombreux avantages :
- D’abord, cela vous permettra de combattre le sentiment de vide et de solitude que le départ de votre proche peut laisser derrière lui. Vos nouveaux passe-temps vous aideront à dépasser plus rapidement l’épuisement physique et psychologique que vous tentiez de masquer jusqu’à présent et qui refont alors violemment surface.
- Le bénéfice sera double : ces nouvelles activités enrichiront votre quotidien et seront autant de nouveaux sujets de conversation à partager.
Dépasser les sentiments douloureux
Culpabilité, échec et sentiments de solitude sont autant de sentiments douloureux qui peuvent vous assaillir au moment du départ de votre proche dépendant. Vous ne pourrez pas l’aider à se sentir bien dans son nouveau cadre de vie si vous ne réglez pas votre propre mal-être. Mais comment faire pour le dépasser ?
Sachez que les maisons de retraite mettent à votre disposition des groupes de paroles et d’échange. En discuter vous permettra d’aller de l’avant beaucoup plus rapidement :
- Vous vous rendrez compte que les sentiments que vous éprouvez ont été partagés par de nombreux autres aidants. Ils vous rassureront sur la légitimité de votre décision : si vous vous sentez soulagé, ce n’est pas parce que vous avez « abandonné » votre proche, mais parce que vous savez qu’il vit désormais dans un environnement totalement sécurisé.
- Leur expérience changera très certainement votre regard et vos appréhensions sur les maisons de retraite qui ont encore, à tort, mauvaise presse. Vous en apprendrez davantage sur les qualifications et la bienveillance du personnel soignant.
- Enfin, ils vous prodigueront des conseils utiles pour changer efficacement vos nouvelles attributions d’aidant et découvrir les multiples activités auxquelles participer.